Entretien Textile


Automatisation et robots : une question de dimensionnement
L’acquisition d’un système automatisé vise à l’optimisation de la production bien sûr, mais aussi à l’amélioration de l’ergonomie, donc la réduction de la pénibilité du travail, voire sa revalorisation !
Les constats qui invitent des blanchisseries à choisir l’automatisation, même s’ils semblent être des lieux communs, peuvent être rapidement identifiés et s’énoncent simplement. Il peut y avoir d’abord la nécessité de trouver un moyen de diminuer le coût de la main-d’œuvre, la volonté de réduire la pénibilité du travail et parfois la difficulté d’embauche. Ensuite il ne faut pas oublier l’accélération des flux logistiques et la pression croissante des clients pour un rendu de qualité. Enfin, la qualité conduit à la notion de taux de service qui implique la diminution des erreurs et donc la réduction de certaines opérations manuelles. On parle bien de ce qui va permettre de gagner en productivité parce qu’on va automatiser des postes ou apporter un soutien mécanique ou électronique à un opérateur pour lui simplifier sa tâche et lui permettre de la réaliser plus rapidement.
Le robot séparateur de draps va permettre de séparer les draps compressés et/ou très emmêlés, éviter que les gens ne tirent très fort et se contorsionnent pour les séparer devant l’engageuse. Là c’est un très gros soutien pour eux.
S’adapter à l’opérateur
Aujourd’hui un poste de travail automatisé s’adapte à l’opérateur. Il y a presque toujours des postes d’engagement à hauteur variable et cela ne devrait plus avoir d’incidence sur la productivité. Les résultats peuvent être impressionnants en termes de gains constatés sur le contrôle des opérations, l’augmentation de la productivité, la rapidité d’exécution, la diminution des erreurs ou encore les gains en surface de stockage dans le cas de systèmes de convoyage suspendus. Il y a éventuellement les robots de pliage de vêtements, associés à des cintres automatiques de convoyage qui vont se replier tous seuls. Le dispositif permet de replier correctement et à 100% des vêtements de travail. En revanche, il s’agit d’un investissement important puisque cela nécessite l’achat d’un gros convoyeur, de cintres et d’un robot qui coûtent chers.
Convoyeurs aériens de distribution
Dans l’automatisation, bien que cela ait moins la forme d’un robot, ce qui fonctionne très bien aujourd’hui, ce sont les justement convoyeurs aériens de distribution de linge en sacs dans les halls de finition. Le système permet de gagner des m², car le linge est stocké en aérien, et d’éviter que les opérateurs quittent leur poste de travail pour aller chercher le chariot suivant. Le linge tombe à côté d’eux automatiquement. Le dispositif ressemble à celui des convoyeurs de linge sale, mais on récupère le linge propre en sortie des séchoirs et en sortie des by-pass  pour le manutentionner en aérien et l’amener directement aux opérateurs. « Ce type d’équipements connait un très grand succès auprès des clients chez qui nous en avons installé, avec un retour sur investissement très intéressant, confirme Olivier Bertin, Directeur Général de Lavatec. Nous en installons systématiquement dans les projets de restructuration de blanchisserie. Cela a été le cas aussi bien chez les groupes loueurs de linge, que les indépendants ou les hospitaliers. Depuis qu’elles ont installé ce système, les blanchisseries industrielles ou hospitalières ont obtenu une productivité beaucoup plus fluide avec un très bon retour sur investissement. Le linge est amené directement aux opérateurs sur leur poste de travail, ces derniers ne se promènent plus, ne se fatiguent plus à «trimballer» des chariots aux roulettes souvent fatiguées qui font généralement 50 kilos de linge chez les hospitaliers ou 100 kilos de linge chez les privés. Chaque fois que l’un d’entre eux devait aller chercher un chariot, il cessait d’engager du linge sur la plieuse éponge ou des draps/housses de couette sur les trains de repassage. »
Il faut de la hauteur !
La configuration des locaux est un paramètre qui va devoir être pris en compte et à ne pas négliger. Par exemple, il faut de la hauteur pour automatiser une blanchisserie puisqu’on va souvent devoir installer des convoyeurs aériens. Un autre écueil à éviter serait de stocker trop de linge en aérien car il va alors commencer à se tasser, à s’écraser dans les sacs et à sécher un petit peu. Les éponges, par exemple, si elles restent plus d’une heure ou deux en aérien, s’écrasent sur elles-mêmes et finissent par ne pas être jolies. « Par contre, il faut quand même un stock suffisant car le but de l’automatisation est de supprimer les flux de chariots au sol. Si l’opérateur passe son temps à attendre qu’il y ait des sacs au-dessus pour pouvoir avoir du linge, c’est «zéro pointé «, constate Olivier Bertin, car la productivité va grandement chuter. En fait, quelle que soit l’automatisation, que ce soit le robot séparateur de drap, le robot de pliage des vêtements où la distribution aérienne du linge dans le hall de finition, il faut qu’il y ait des stocks-tampons. Si ce n’est pas le cas, on va avoir une cadence machine en amont directement liée à la cadence machine en aval. Et si l’une des deux, pour une raison ou une autre, a un petit incident qui nécessite une période d’arrêt, c’est toute la ligne qui s’arrête. Et alors la productivité chute ! » L’écueil que l’on rencontre encore souvent, c’est l’absence de stocks-tampons. Il en faut entre dix minutes et une heure selon le type de linge et de robots.
Les pièges du flux tendu…
Pour illustrer ces propos, Olivier Bertin revient sur les mésaventures de l’un de ses clients qui équipé d’un tunnel de lavage, d’une presse, d’une distribution avec un robot de séparation de draps qui alimente ensuite les opérateurs qui engagent le grand plat. En sortie de pliage, un emballage automatique avec des tapis qui collectent toutes les piles pour une mise sous film automatique. Malheureusement il fallait assez régulièrement aller changer le rouleau de film plastique qui n’était pas à remplacement automatique. A chaque fois qu’un opérateur perdait 5 minutes à aller chercher le rouleau, puis 10 minutes à le substituer à l’ancien, le train de repassage s’arrêtait tout de suite, très peu de temps après le robot de pliage s’arrêtait, puis le tunnel de lavage s’arrêtait… Tout cela parce qu’il n’y avait pas de stocks-tampon. La filmeuse était en direct après la plieuse, le robot de pliage tout de suite après la presse, au poste d’engagement. En l’absence de stock, c’était l’arrêt immédiat garanti.
Quand on livre un système d’engagement très perfectionné, il est du devoir des constructeurs ou installateurs de former la direction pour tout ce qui concerne les statistiques, ratios, etc., le service technique à la maintenance des machines, à leurs différents modes de réglage et le personnel à l’utilisation optimale des équipements, et à la meilleure gestuelle pour que le travail se passe « vite et bien « avec la meilleure ergonomie possible. Dans la blanchisserie, c’est au chef d’équipe ou de secteur de redescendre l’information car certains opérateurs peuvent travailler sur différents postes de travail. En effet, malgré l’assistance des robots et des systèmes d’automatisation, la fluidité des gestes reste une composante importante de la réussite du process. Comme le précisait Marcel Genevois, directeur de la BIH d’Auxerre dans un article de notre précédent numéro consacré à l’engagement et au pliage des couvertures, « les fabricants peuvent bien nous vendre toutes les cadences qu’ils veulent, la productivité est d’abord une question d’homme et de tour de main ».
Formation et fluidité des gestes
Olivier Bertin partage les paroles pleines de sagesse de ce professionnel expérimenté connu pour son franc-parler. « Sur un poste d’engagement des vêtements par exemple, explique-t-il, il faut prendre le vêtement dans le chariot ou sur le poste de distribution automatique installé juste à côté, parfois lire un code-barre qui est dans le col et puis mettre sur cintre après. On a établi pour cela une fluidité des gestes. Il y à l’endroit où l’on prend l’article, celui où on l’identifie et celui où on l’accroche. La douchette (ou le lecteur de puce) a été placée à l’endroit le plus judicieux, sur le chemin entre l’endroit où le vêtement a été pris et celui où il va être déposé. Je constate parfois que les gens accrochent, et lèvent ensuite la douchette qui était normalement fixe pour aller balayer le code-barre. Dans ce cas, la cadence est deux fois plus lente et l’opérateur se fatigue deux fois plus vite.
Si la personne ne fait pas bien les gestes, elle sera pénalisée à terme par l’apparition de troubles musculosquelettiques, sans compter pour l’entreprise le coût de l’absentéisme lié aux TMS (heures d’absence, coût du remplacement) et les écarts de productivité directe liés à ces maladies professionnelles (restrictions d’allures autorisées) ».
Enfin, il ne faut pas oublier que la complexité des systèmes automatisés rend parfois plus difficile leur maintenance en cas de problème. Elle force l’entreprise à élaborer des scénarios d’escalade élaborés pour réagir en cas de panne et maintenir ses capacités opérationnelles. Il faut toujours veiller à ce que la panne d’un robot n’entraine pas l’arrêt de la ligne de production. Une solution de fonctionnement dégradé doit toujours être prévue dès la définition des flux de linge.
Un robot démêleur de draps …
 « Auparavant, nous engagions  déjà en déporté mais avec un système à pinces. Nous produisions alors au mieux 1 050 draps à l’heure, je parle de produits livrés, c’est-à-dire en ayant déduit les défauts, etc. Il y avait 3 personnes à l’accrochage, 2 à l’engagement et 1 à la réception.
La blanchisserie fonctionne désormais avec 3 personnes à l’engagement et 1 à la réception, tout cela pour 1 200 draps à l’heure en moyenne « Ce qui a d’abord permis d’optimiser le flux, d’enregistrer des gains de productivité et de redistribuer les postes, c’est la mise en place en début de chaine d’un robot démêleur 1 800p/h . Le Viking 2000 de Jensen permet aux draps d’arriver démêlés aux trois postes d’engagement via un tapis. Auparavant le travail pénible de séparation du linge était fait par les trois agents basés au poste d’accrochage. Ces derniers sont désormais affectés à l’engagement.
….et une vitesse d’engagement accrue !
1 de l’autre) qui alimente un convoyeur aérien capable de stocker un tampon de 300 draps. Avec le nouveau système d’engagement déporté Quick Automatic de Jensen, l’engagement du drap ne se fait plus par pinces avec recherche des coins, mais à la volée sur le côté du drap. Ce système, qui nécessite moins de manipulations manuelles pour l’opérateur, offre une vitesse d’engagement accrue. « Avec des pinces il est difficile de dépasser les 300 pièces/h/agent en moyenne alors que sans pinces les 400 pièces heures sont dépassées facilement.
A Grenoble les 3 agents « saturent « souvent le système et un des agents est alors affecté à d’autres tâches une partie du temps ». Les draps sont accrochés par des pinces, suspendus en hauteur et dirigés automatiquement vers la calandre de séchage-repassage Jenroll Express gaz, via une double tête d’engagement.
Le cadencement des têtes est réglé à 24 draps/mn, la calandre à 45 m/mn, ce qui permet de produire 1 400 draps pliés et empilés à l’heure en «pointe». « Le surcout du système d’engagement déporté, qu’il soit à pinces ou sans pinces comme chez Jensen, permet d’éviter les temps « morts « pour les agents et d’avoir une production absolument lissée, insiste Thierry Borgne.
Avec 3 agents sur des postes de travail sans pinces mais non déportés, ils feraient au maximum 1 050 draps à l’heure en moyenne et non pas 1 200.
En instantané, sans système tampon pour réguler, l’agent au troisième poste envoie le drap puis souvent doit attendre que l’engageuse trouve la disponibilité pour effectivement le passer ! Globalement, nous sommes donc passés d’un système avec 1 050 draps à l’heure avec 6 postes de travail en permanence à un système à 1 400 draps à l’heure avec 4 personnes au maximum et avec des conditions de travail améliorées. »
De meilleures conditions de travail
Pour le reste de la blanchisserie, il y a eu aussi renouvèlement du matériel, mais avec des gains moindres en productivité. Ainsi toute l’installation de linge en forme a été changée. Les robots d’origine d’ancienne génération, peu performants, ont été remplacés par 3 robots de pliage Jensen qui permettent de monter désormais 1 000 pièces à l’heure. « Chaque fois que nous investissons dans des process d’automatisation ou des robots, c’est pour réaliser des gains de productivité, mais en même temps améliorer l’ergonomie et les conditions de travail du personnel. C’est le cas avec le robot Viking qui supprime le travail physiquement lourd de démêlage des articles », conclut Thierry Borgne.
Il faut comme même préciser que ces matériels productifs et rapides, les machines d’engagement en particulier, peuvent être techniquement pointues en termes de réglage. « Nous avons des équipes autonomes de maintenance, mais il ne faut pas hésiter à faire appel de temps en temps aux fournisseurs de matériel qui vont nous aider à peaufiner les réglages et à maintenir un niveau de productivité optimum.
Ces derniers ont tout de même une expertise que nous ne pourrons acquérir qu’au bout de quelques années.»
Tout-automatique :  pas toujours la panacée !
« De temps en temps, on peut aussi voir de la part de certains installateurs ou fabricants un «petit zeste « de vente forcée », constate Olivier Bertin. Le Directeur Général de Lavatec souligne que c’est au responsable de la blanchisserie de bien mesurer le dimensionnement en production de son atelier avant d’investir dans une ligne complète de robots et d’automatisation. L’automatisation peut concerner tout ou partie des opérations. C’est pourquoi une phase d’analyse des besoins est essentielle et doit être conduite avec précision en suivant une méthodologie éprouvée. « Par exemple, on explique aux gens qu’il faut absolument qu’ils s’équipent d’un robot séparateur de draps alors que certains ont une productivité faible. Ces machines sont capables de séparer 1 200, 1 400 voire 1 600 draps par heure avec une distribution intelligente par tapis vers quatre opérateurs, mais si le train de repassage ne doit faire que 500/600 pièces/heure, on aura mis un moteur de Formule 1 pour rouler en centre-ville ! Dans ce cas, un investissement aussi lourd n’aura pas un bon retour sur investissement bien qu’il améliore grandement la productivité. » Une alternative plus judicieuse serait d’installer tout simplement un système qui va casser et ouvrir cette galette de linge compacté pour qu’il soit plus facilement et plus rapidement préhensible par les opérateurs. On peut éventuellement installer un tapis de distribution qui amène le linge vers l’engageuse. Cela ne va pas forcément beaucoup augmenter la productivité, mais réduire fortement la pénibilité et offrir un cout d’investissement moindre. Pour le pliage des vêtements, on peut très bien amener le vêtement sur cintre vers l’opérateur, mettre en place un système de blocage du cintre qui permette à l’opérateur de déposer manuellement le vêtement sur sa plieuse. On peut même ré-évacuer le cintre vide automatiquement. Là l’opérateur va plier 350-400 pièces à l’heure, alors qu’un robot de pliage est censé monter jusqu’à 900 pièces/heure. Cette solution est nettement moins chère qu’un robot automatisé couteux qui, de plus, impose des cintres spéciaux à environ 80 € / pièce. »
la blanchisserie du CHU de Grenoble
Les nouveaux équipements
> LAVAGE/ESSORAGE/ SÉCHAGE :
2 lignes de traitement Jensen : tunnels 10 modules 72 kg; essoreuse centrifuge 100 kg ; presse 72 kg/37 bar ; 6 séchoirs gaz 90 kg ; laveuses essoreuses aseptiques Electrolux : 2 x 40 kg ;
1 x 30 kg.

> MANUTENTION : pas de remplacement complet de matériels mais des améliorations : changement des stations de tri avec 2 nouvelles lignes d’alimentation et augmentation de 40 % du débit de triage. Augmentation du volume des slings LP et LS pour supporter des charges de 70kg. 2 convoyeurs Kannegiesser/Supertrack: « linge souillé» » : 7 tonnes au stockage primaire; 15 stations
de tri; 4 tonnes au secondaire ; «linge propre»: 7 rails de stockage
et 5 déchargeurs.

> LINGE EN FORME : 1 tunnel Jensen
2 modules gaz en plus du tunnel existant Kannegiesser 2 modules gaz et; 8 chargeurs et  convoyeur de tri Jensen ; 3 robots Jensen 1000 p/h.

> LINGE PLAT : Chaine « grand plat » Jensen : robot démêleur 1800 p/h :
3 poste engagement déporté ; engageuse double –tête ; sécheuse repasseuse
3.3  gaz 2 x 1200 avec plieuse et empileur; production 1200 p/h en moyenne.
Les « plus » de l’engagement déporté
Ouverte en septembre 1996 avec une capacité de traitement
de 10 à 13 tonnes de linge par jour, la blanchisserie du CHU de Grenoble a renouvelé en quasi-totalité ses équipements d’origine en plusieurs tranches successives en 2009-2010. C’est sur le grand plat et l’engagement déporté qu’elle a enregistré ses meilleurs gains de productivité.
Intégrée au sein du Groupement de coopération sanitaire (GCS) Alpes Santé, la blanchisserie du CHU de Grenoble dessert cinq établissements hospitaliers et une association pour les dialysés du bassin de santé grenoblois. Elle traite aujourd’hui 17 à 17,5 tonnes par jour et vise à moyen terme un objectif de 19 à19,5 t/j.
« Nous avons commencé à renouveler les équipements du secteur grand plat, ce qui nous a permis d’enregistrer rapidement les meilleurs gains de productivité et le plus d’économie de postes », précise Thierry Borgne, Ingénieur fonction linge à la blanchisserie du CHU de Grenoble.
En effet, les trains de grands plats peuvent désormais travailler  à des vitesses de plus en plus élevées et les opérateurs affectés à l’engagement doivent suivre le rythme pour augmenter la productivité. Cependant ils sont souvent ralentis par le travail pénible de trier et séparer les articles emmêlés venant des chariots, d’un monorail ou d’un tapis.